Quand les influenceuses antiféministes réhabilitent le mythe de la bonne épouse


« The Mother », photo extraite de la série d’autoportraits « The Ideal Woman » (2010), dans laquelle la photographe canadienne Kourtney Roy revisite les stéréotypes féminins des années 50 et 60.

Un chat surpris par un grille-pain. L’évolution de Brad Pitt au fil des ans. Des conseils bouture. « Le féminisme est un cancer, voilà pourquoi ». Dans l’incessant zapping que propose l’application TikTok, la vidéo interpelle. A l’image, rien que de très banal : une jeune influenceuse à l’allure soignée, une mise en scène impeccable. Mais le propos, lui, détonne, à l’ère post-#metoo. Elle est française, se fait appeler Thaïs d’Escufon et cumule près de 100 000 abonnés sur TikTok, deux fois plus sur YouTube.

Ses vidéos sont toutes du même acabit : elle y déclare que les femmes modernes sont « irresponsables », que l’infidélité féminine est « plus grave » que celle des hommes, incrimine la pilule et estime, dans une vidéo vue plus d’un million de fois, « que les hommes et les femmes ne sont pas égaux, ne le seront jamais, et qu’il n’est pas souhaitable qu’ils le soient ». Des contenus principalement destinés aux jeunes hommes, présentés comme victimes du féminisme, à qui elle fournit des conseils pour devenir de « vrais hommes » et « attirer (et garder) une femme de haute valeur ».

Capture d’écran du compte TikTok de Thaïs d’Escufon.

Thaïs d’Escufon n’est pas la seule influenceuse à surfer sur l’antiféminisme. La recette a déjà fait ses preuves ailleurs, notamment aux Etats-Unis. Hannah Pearl Davis, par exemple, avec deux millions d’abonnés sur YouTube, est l’un des visages féminins les plus célèbres de la mouvance « red pill ». Ce courant masculiniste, au nom inspiré de la pilule rouge des films Matrix – qui permet de voir le monde réel –, considère que le féminisme menace la société. Dans une vidéo visionnée plus d’un million de fois, elle affirme que les femmes ne devraient pas avoir le droit de vote.

La mode des « tradwives »

Mais l’antiféminisme prend différentes formes chez les influenceuses. Il n’est pas toujours aussi explicite, et s’adresse aussi aux femmes. Une autre mouvance fait ainsi beaucoup parler d’elle : celle des « tradwives », qui revendiquent un mode de vie traditionnel. Estee Williams en est l’une des plus emblématiques. L’Américaine se met en scène sur les réseaux sociaux avec un style des années 1950, raconte sa vie de femme au foyer et donne des conseils cuisine et beauté à ses abonnées. Elle leur explique comment « attirer des hommes masculins qui pourront subvenir aux besoins de leur famille », et avance que « faire passer les besoins de son mari avant les siens est le devoir d’une bonne épouse ». D’autres tradwives usent d’une esthétique plus moderne, comme Mrs Midwest qui, entre deux vidéos sur sa vie de maman, appelle à « rejeter les messages féministes ».

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Catégorie article Politique

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